La CJUE a, par un arrêt du 29 Novembre 2017, estimé que la mise à disposition de copies de programmes de télévisions stockées dans le cloud doit être autorisée par le titulaire des droits d’auteurs ou droits voisins, ce service constituant une retransmission des programmes concernés.
Saisi d’un litige introduit par le Tribunale di Torino, par décision du 4 mai 2016, opposant la société VCAST Limited à la société RTI Spa, la CJUE a eu à préciser l’interprétation de la directive 2001/29/CE sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, ainsi que la directive 2000/31/CE relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information et notamment du commerce électronique dans le marché intérieur.
Etait en cause la légalité de la mise à disposition des clients de VCAST, d’un système d’enregistrement vidéo dans le cloud des programmes télévisés retransmis par RTI. Le paragraphe 15 de l’arrêt explique en détail le service proposé : » Il ressort de la décision de renvoi que, en pratique, l’utilisateur choisit une émission sur le site Internet de VCAST, sur lequel figure toute la programmation des chaînes de télévision comprises dans le service fourni par cette société. L’utilisateur peut soit indiquer une émission donnée, soit une plage horaire. Par la suite, le système géré par VCAST capte le signal de télévision à l’aide de ses propres antennes et enregistre la plage horaire d’émission choisie sur l’espace de stockage dans le nuage indiqué par l’utilisateur. Cet espace de stockage est acheté par ce dernier auprès d’un autre fournisseur. »
Vcast assigna RTI devant le tribunal de Turin aux fins de constater la légalité de ses activités. Saisi d’un référé déposé par RTI, le tribunal a interdit à Vcast de poursuivre ses activités avant de surseoir à statuer et poser les deux questions suivantes à la CJUE :
- « Une disposition nationale qui interdit à un entrepreneur commercial de fournir à des particuliers un service d’enregistrement à distance de copies privées d’œuvres protégées par le droit d’auteur au moyen d’un système informatique dans le nuage, en intervenant activement dans l’enregistrement, sans autorisation du titulaire de droits, est-elle conforme au droit de l’Union, notamment à l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive [2001/29] (ainsi qu’à la directive [2000/31] et au traité fondateur) ?
- Une disposition nationale qui permet à un entrepreneur commercial de fournir à des particuliers un service d’enregistrement à distance de copies privées d’œuvres protégées par le droit d’auteur au moyen d’un système informatique dans le nuage en intervenant activement dans l’enregistrement, sans autorisation du titulaire de droits, en contrepartie d’une compensation forfaitaire rémunérant le titulaire de droits, ce qui revient en substance à un régime de licence obligatoire, est-elle conforme au droit de l’Union, notamment à l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive [2001/29] (ainsi qu’à la directive [2000/31] et au traité fondateur) ? »
Les deux questions envisagent donc des situations opposées, où dans la première la législation interdit l’activité, et la seconde l’autorise grâce à un système de compensation financière au titulaire des droits. On peut noter que les questions portent sur l’étendue du champ d’application de la notion de copie privée.
En l’espèce, le fournisseur du service Vcast, ne se bornait pas à la seule reproduction, mais fournissait un accès aux émissions de certaines chaines pouvant être enregistrées à distance. Le service avait donc une double fonctionnalité, tant de reproduction, que de mise à disposition des oeuvres. Ceci conduisait à une nouvelle forme de communication au public, or seul le titulaire des droits peut l’autoriser ou l’interdire. La CJUE avait déjà pu énoncer que « chaque transmission ou retransmission d’une oeuvre qui utilise un mode technique spécifique doit être, en principe, individuellement autorisée par l’auteur de l’oeuvre en cause (31 mai 2016, Reha Training, C-117/15).
De ce fait, la CJUE décida « qu’une législation nationale qui permet à une entreprise commerciale de fournir à des particuliers un service d’enregistrement à distance […] en intervenant activement dans l’enregistrement de ces copies, sans l’autorisation du titulaire des droits » s’oppose à la directive 2001/29.
Cette décision vient confirmer la position prise précédemment par les tribunaux français qui avaient sanctionné une société proposant d’enregistrer à la place du téléspectateur les programmes qu’il souhaitait afin qu’il puisse les regarder en différé via Internet, (TGI Paris, 25 nov 2008, 08/13347, CA Paris, 26 déc 2008, 08/23754).
Voir l’arrêt dans son intégralité
Rodolphe Baca, étudiant parcours Lyon 3