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Métiers de l’innovation : Ingénieur brevet

Le domaine de l’innovation fait intervenir un ensemble d’acteurs très variés, dont les métiers ne sont pas toujours bien connus du grand public ! Nous vous donnons donc l’occasion, par cette série d’articles, de découvrir plus en détail le cœur d’activité de ces professionnels, qu’ils soient juristes ou non, et leurs relations avec le monde de la propriété industrielle.

Aujourd’hui nous avons la chance d’échanger avec une ingénieur brevet, actuellement en poste dans un centre de recherche français (pour des raisons de confidentialité vis-a-vis de la structure, notre interlocutrice a souhaité conserver l’anonymat).

 

Q / Tout d’abord bonjour, et merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Pouvons-nous d’abord revenir sur votre formation ?

R / De base, j’ai une formation technique d’ingénieur. C’est indispensable pour exercer ce métier puisqu’il faut avoir des compétences techniques nécessaires à la compréhension des inventions. Par la suite, j’ai suivi une formation diplômante de propriété industrielle à Strasbourg (CEIPI)afin d’obtenir le titre de conseil en brevets. Cette formation peut être suivie par l’ingénieur soit dans un cursus universitaire classique, soit en cycle accéléré en parallèle de son activité professionnelle. C’est cette dernière formule que j’ai suivie, après avoir été embauchée dans un cabinet de brevets à l’issue de ma formation initiale d’ingénieur.

Ce diplôme permet d’agir en France auprès de l’INPI (Institut national de Propriété Industrielle). Par contre, pour être habilité à exercer auprès d’autres offices tels que l’OEB (Office Européen des Brevets), ou  l’USPTO (United States Patent and Trademark Office), il faut être mandataire dans ces pays et donc passer d’autres certifications.

 

Q / A quelles étapes du brevet intervenez-vous plus précisément : recherches d’antériorités, rédaction de la description, des revendications ?

R / Lorsque je travaillais  en cabinet de brevets,  j’avais la charge, à partir généralement d’un mémoire technique préparé par des inventeurs en fonction des antériorités qu’ils connaissaient, de rédiger une demande de brevet, de la déposer après l’avoir soumis aux inventeurs pour corrections et compléments et enfin de la défendre auprès des offices français et/ou étrangers.

Après un certain temps en cabinet de brevets, j’ai ressenti le besoin d’être plus proche de la démarche  des chercheurs. J’ai donc rejoint un centre de recherche afin de pouvoir intervenir plus en amont et de mieux comprendre les enjeux de leur recherche. Cela permet un meilleur accompagnement des inventeurs et un meilleur ciblage de la partie inventive de leurs inventions pour  assurer au mieux   la protection de ces inventions. Quand le mémoire technique est complet, il est envoyé au cabinet de brevets pour la rédaction de la demande (description, revendications…).

En ce qui concerne la recherche d’antériorité, elle est à la charge des chercheurs. En plus des bibliographies liées à leur travail de recherche, ils disposent d’outils de recherche permettant d’effectuer des recherches spécifiques à leur invention. L’ingénieur brevet peut également les aider dans cette démarche.

Dans mon parcours professionnel, j’ai également eu la chance d’accompagner une start-up issue d’un  centre de recherche. J’étais alors la seule juriste de l’entreprise. Cette expérience a été très enrichissante, puisque je pouvais intervenir sur tous les aspects  de propriété industrielle, aussi bien en amont auprès des chercheurs que  dans la rédaction , le dépôt et la défense des demandes de brevets  .

 

Q / Au sein du centre de recherche, comment est reparti le travail ?

R / La répartition se fait par thématique. Chaque ingénieur brevet a la charge d’un portefeuille de brevets dans une ou plusieurs thématiques qu’il gère de façon individuelle. Les échanges d’expérience se font néanmoins entre ingénieurs brevets pour discuter de problématiques liées aux dossiers traités.  Le nombre d’ingénieurs brevets dans une unité est lié au nombre de dossiers traités dans cette unité ainsi qu’à la difficulté de ces dossiers.

 

Q / Quelle est la portée géographique des brevets déposés par le centre de recherche ?

R / Actuellement, on protège nos inventions essentiellement en Europe et aux USA voire même dans certains domaines, dans les pays asiatiques. Le choix géographique dépend des marchés potentiels pour les inventions traitées

 

Q / Comment se passe la valorisation des inventions?

R / Le centre de recherche n’ayant pas vocation à exploiter lui-même ses brevets, ces derniers sont valorisés auprès d’industriels via notamment des licences d’exploitation. Par ailleurs, nous encourageons l’essaimage et de nombreuses  start-up sont issues de notre structure.

Les brevets non valorisés sont abandonnés au bout de quelques années, lorsqu’ils ne sont techniquement plus d’actualités.

 

Q / Êtes-vous amenés à travailler avec d’autres droits de propriété intellectuelle ?

R / Essentiellement le droit des marques, voire le droit d’auteur pour les logiciels. J’ai notamment été amenée à déposer des marques lorsque j’ai travaillé pour le compte de la start-up.

 

Q / Avez-vous des collègues à la formation strictement juridique ?

R /Oui mais pas en tant qu’ingénieur brevet car cette fonction nécessite une base  technique. Mes collègues juristes s’occupent essentiellement de contrats, notamment de collaboration ou de licence

 

Q / Pour conclure, souhaitez-vous ajouter un mot sur votre métier ?

R / C’est un métier très riche qui m’a permis de découvrir des domaines scientifiques très variés. Par contre le niveau de responsabilité d’un ingénieur brevet est peu évolutif. Il permet simplement d’approfondir son expertise dans le temps.

 

Entretien mené par Bastien Savin, M2 Université Jean Moulin Lyon 3

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