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COVID-19 ET DROIT DES MARQUES

 

29  Avril 2020

Le dépôt de marques en lien avec l’actualité est une pratique habituelle lors des événements marquants. Dès le début de la pandémie du Covid-19, de nombreux demandeurs ont profité de l’occasion pour tenter de détenir un monopole d’exploitation sur des produits ou services couverts par un signe en lien avec le virus. Dans les classes désignées, on retrouve fréquemment les classes 10 (appareils et instruments médicaux, masques chirurgicaux, vêtements pour personnel médical et patients, etc.) ; 25 (vêtements, chaussures, chapellerie, ceintures, bonneterie, etc.) ; 28 (jeux, jouets, articles de sport, etc.) ; 33 (boissons alcoolisées à l’exception des bières, vins).  

Sur TMview, plateforme de recherche en ligne permettant la consultation de données relatives aux marques de l’Union Européenne et au-delà, on constate que, depuis fin mars 2020, 258 marques contenant le mot « COVID » ont été déposées, et 28 marques contenant le mot « CORONAVIRUS ». 

Voici quelques exemples de dépôts : 

  • Auprès de l’Institut National de Propriété Intellectuelle, en tant que marque française :
    • « COVID-19 » (n° 4628356) déposée le 28 février 2020 en classes 18 et 25.
    • (n°4629808) déposée le 4 mars 2020 en classes 16, 25, 35 et 38.
    • « CORONAVIRUS » (n°4630651) le 7 mars 2020 en classes 16, 18, 20, 25 et 28.

 

  • Auprès de l’EUIPO en tant que marque de l’Union européenne
    • « CORONAVIRUS » (n°18209884) déposée le 12 mars 2020 en classes 3, 31, 32 et 33.
    • (n° 18224323) déposée le 10 avril 2020 en classes 9, 19, 25, 30 et 42.
    • (n°18226083) déposée le 15 avril 2020 en classes 10 et 25.
    • « COVID » (n°18226807) déposée le 16 avril 2020 en classe 13 (armes, chargeurs pour armes, cartouches pour armes à feu, etc). 

 

  • Auprès de l’USPTO (United States Patent and Trademark Office) :
    •     (n°88790444) déposée le 9 février 2020 en classes 9, 25 et 41.
    •            (n° 88826872) déposée le 9 mars 2020 en classe 25.
    • « FXCK CORONAVIRUS » (n°88835992) déposée le 16 mars 2020 en classe 25.
    • « We Survived COVID-19 » (n°88878184) déposée le 19 avril 2020 en classe 25.

 

De tels signes peuvent-ils être enregistrés à titre de marque ? Il est fort probable que les différents offices refusent l’enregistrement après examen de la demande sur le fond. Pour la marque française, en vertu du nouvel article L.711-2 du Code de la Propriété Intellectuelle (transposant l’article 4 de la directive 2015/2436 du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques), l’INPI peut refuser une demande d’enregistrement sur le fondement d’un ou plusieurs motifs (appelés motifs absolus).

Tout d’abord, en l’espèce, le premier motif absolu de refus avancé pourra être l’absence de caractère distinctif. La distinctivité, condition essentielle de validité d’une marque, consiste à pouvoir identifier les produits ou services visés comme provenant d’une entreprise déterminée et de les distinguer de ceux de ses concurrents. Ainsi, il serait peu envisageable que le public pertinent perçoive un signe en lien avec le Covid-19 comme une indication de l’origine commerciale. En effet, le virus est davantage perçu comme ayant entraîné une pandémie mondiale et des conséquences sans précédent. En 2015, l’INPI a refusé de nombreuses demandes d’enregistrement du signe « Je suis Charlie » sur le fondement de l’absence de distinctivité. Néanmoins, étonnamment, l’EUIPO, en 2011, a accepté d’enregistrer, à titre de marque, le signe      (n°009376104), en classes 9, 14 et 25.

 

Le second motif absolu de refus d’enregistrement envisageable pourrait être la contrariété à l’ordre public (la transposition de la directive du paquet marques ayant effacé la référence à la notion de « bonnes moeurs »,  peut-être est-elle désormais incluse dans l’ordre public ?). Sur ce fondement, les signes contraires aux exigences fondamentales et essentielles au bon fonctionnement des institutions, des services publics, de la sécurité et au maintien de certaines valeurs morales et républicaines de l’Etat sont refusés, et ce sans considération des produits ou services revendiqués. Cela permet qu’aucune marque déposée ne puisse choquer, offenser, stigmatiser ou provoquer l’indignation. Le 11 mars 2020, l’Organisation Benelux de la Propriété Intellectuelle (OBPI) a fait savoir aux potentiels demandeurs que les dépôts de marques en lien avec le coronavirus seront majoritairement refusés à l’enregistrement en raison notamment de leur contrariété à l’ordre public et aux bonnes moeurs.

           Dépôts à suivre …

 

Meilie Colley-Bonafos, étudiante du M2 Droit de la propriété intellectuelle de Lyon II

 

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