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Interview avec Sophie HOUGUENAGUE

 

Cette semaine, ALYPI vous propose de découvrir Sophie Houguenague, ancienne étudiante du Master II droit de la propriété intellectuelle de l’Université Lyon II.  Au cours de cette brève entrevue, Sophie nous parle de son parcours professionnel, de la formation et nous livre de précieux conseils pour mieux appréhender ses premières expériences. Bonne lecture !

 

 

Q.1 – Pourquoi avoir préféré la voie de conseil en Propriété Intellectuelle (CPI) et quels sont selon vous les avantages et les inconvénients de la profession ?

En tant que Conseil en Propriété Industrielle, mon rôle est de conseiller et d’accompagner les entreprises et les porteurs de projet dans la protection, la surveillance et la défense de leur patrimoine immatériel (droit des marques, droit du design, droits d’auteur…).

J’ai choisi la voie de CPI grâce à mon stage de fin d’étude au Cabinet Plasseraud à Lyon. Mes rencontres avec les CPI intervenus pendant le cursus de M2, ainsi que mes échanges lors de ce stage avec Isabelle Meunier-Cœur, Guillaume Vermander et Stépha- nie Picard, CPI passionnés, ont également motivé mon choix de carrière. Un peu plus tard, un stage m’a menée à Paris, au Cabinet Markplus International, puis j’ai pu passer mon examen de CPI après quatre ans de pratique.

J’aime l’idée que la qualification de CPI soit sanctionnée par un examen professionnel. Le juriste peut commencer à travailler dès la fin de son Master 2 et se forger une expérience en entreprise et/ou en cabinet. Cette expérience sera ensuite validée par cet examen professionnel après plusieurs années de pratique. Ce mode d’accès à la profession lui confère selon moi une certaine légitimité.

Les avantages de ce métier sont nombreux. Parce que nous intervenons très souvent en amont des projets pour en faciliter la sécurisation et la protection, nous sommes souvent aux premières loges des bonnes idées naissantes. J’adore rencontrer des porteurs de projets et des entrepreneurs en tous domaines. Mes clients ont des activités très di-

verses : alimentaire, logiciel, audiovisuel, industrie, mode… Chaque dossier est une nouvelle découverte. Je ne m’ennuie jamais.

Je pense qu’il y a encore de gros efforts à fournir pour faire connaître la profession de CPI. Il est parfois difficile d’expliquer notre métier, peu connu, au grand public. Le re- cours à l’expertise des CPI n’est malheureusement pas automatique quand bien même cette expertise serait nécessaire dans de nombreuses situations pour éviter des petites catastrophes.

 

Q.2 – Après quelques années au sein d’une même structure, vous avez pris l’initiative de créer votre propre cabinet de conseil. Tout d’abord, bravo et ma question serait de savoir comment vous est venue cette ambition, les difficultés que vous avez pu rencontrer et aussi les diverses bonnes surprises qui ont pu accompagner un tel accomplissement ?

 

Pour l’anecdote, c’est en rentrant chez moi après une journée de travail que j’ai dévié de mon chemin habituel pour m’arrêter dans une librairie. J’ai acheté « Créer sa boîte pour les nuls » sur un coup de tête. Je venais de valider ma qualification professionnelle de CPI et je me suis lancée.

Je pense qu’il y a, dans la volonté de créer sa propre structure, une question de caractère et une question de formation. Une question de caractère tout d’abord car j’ai grandi entourée de libéraux et de chefs d’entreprise et ce modèle était assez évident pour moi. Une question de formation ensuite car j’ai pu exercer dans un cabinet où les missions exigeaient une très bonne autonomie. D’ailleurs, plusieurs anciens salariés ont monté leur propre structure. Je crois que nous étions « à bonne école ».

Pour se lancer à son compte, il faut dépasser son schéma mental. Etre un bon praticien n’est pas suffisant. Il faut se créer des opportunités. Les dossiers ne sont plus posés sur votre bureau par vos supérieurs. Il faut partir à leur recherche et « prospecter ». Un bien grand mot quand on ne possède qu’une formation de juriste.

La mauvaise surprise, ou la surprise la moins bonne, c’est que l’on sous-estime complètement le travail et le temps que demande la construction d’une société, surtout lorsque l’on se lance seule. Il faut s’investir pleinement, sans concession (et oublier le mot « vacances »).

La bonne surprise c’est que l’on peut presque tout apprendre et dans tous les domaines (administratif, commercial, management…) à condition de s’en donner les moyens. Il ne faut pas hésiter à s’entourer de bons professionnels et partenaires.

La bonne surprise, c’est aussi évidemment le soutien de son entourage proche et de ses clients. Même si rien n’est jamais acquis, il est très plaisant de profiter des encouragements de ses proches et de lire la satisfaction dans l’email d’un de ses clients.

 

Q.3 – Etes vous aujourd’hui seule dans votre structure ? Tirez vous des avantages et/ ou des inconvénients du fait de pouvoir avoir une telle indépendance ?

 

J’exerce seule avec le soutien externalisé d’une assistante de choc. J’accueille aussi des stagiaires ponctuellement en fonction du volume d’affaires. Je conserve d’ailleurs de très

bonnes relations avec mes stagiaires. Certains sont aujourd’hui devenus des contacts professionnels.

L’indépendance est une notion complexe. Je crois que l’on imagine un peu trop souvent l’indépendante qui peut arriver quand elle veut au bureau, choisir elle-même ses dossiers et exercer son métier à sa manière. Cette vision cinématographique est (malheureusement) bien loin de la réalité à mon avis !

Certes, il était important pour moi de me lancer seule les premières années afin de pou- voir me confronter au métier et préciser ma vision de ce que je voulais entreprendre. Toutefois, exercer seule demande un investissement personnel extrêmement important.

Aujourd’hui, ma structure commence à se consolider et je ne me ferme aucune piste quant à la poursuite de mon activité. Je pense qu’il est important de rester attentif à toutes les rencontres éventuelles et de s’ouvrir aux regards extérieurs pour rechercher toujours plus de nouveauté et d’influences positives. Je suis avide de toutes suggestions et conseils extérieurs.

 

Q.4 – Quelles sont, selon vous, les qualités essentielles pour évoluer en tant que CPI ?

 

Je crois que la curiosité est un très joli défaut pour tout bon CPI. Pour conseiller et protéger au mieux les intérêts de ses clients, il faut bien les connaître et se projeter dans l’avenir avec eux. Il faut les interroger sur leurs projets pour les aider à formuler au mieux leurs besoins. Nous avons la chance d’accompagner la création, difficile de le faire sans être curieux des innovations de nos clients et de ce qui se passe sur leurs marchés.

Evidemment, il faut être bon et rigoureux sur le plan technique… mais les CPI ne sont pas des machines à penser ou des puits de sciences ! Ils doivent toutefois savoir identifier les problématiques et, si nécessaire, avoir recours à des spécialités complémentaires sur certaines questions. Je consulte assez souvent mon réseau de partenaires de spécialités proches ou complémentaires. L’une d’elle est même une ancienne élève du Master 2!

Il faut être optimiste et tenace, mais ça, ce n’est pas réservé qu’aux CPI…

 

Q.5 -Quelle est l’approche à adopter lorsque confronté à un challenge, que ce soit sur un cas ou avec un client ?

 

C’est une très bonne question ! C’est une question à laquelle j’essaie de sensibiliser mes stagiaires.

Savoir comment observer la problématique d’un client, savoir choisir un angle d’attaque, est bien souvent plus important que connaître les solutions juridiques applicables (ce qui est la base de notre métier).

La question de l’approche se pose par exemple très souvent dans les dossiers de litiges, lorsque l’on négocie un accord amiable avec un adversaire, ou bien lorsque l’on fait des recherches d’antériorités et que l’on doit estimer le risque pratique associé à un droit antérieur par exemple. A ce moment-là, ce ne sont pas simplement les données techniques ou juridiques qui entrent en ligne de compte, mais aussi et surtout, des données pratiques. Il faut alors sortir de la théorie pour s’interroger sur la situation des parties : quel risque le client est-il prêt à courir ? si le risque se réalise, quelles seront nos options ? quelle marge de négociation avons-nous ? quel est le budget du client ?

Essayer d’être un bon conseil, c’est prendre toutes ces données en compte. Une solution valable dans un dossier n’est pas forcément applicable à un autre, même si le problème juridique est le même.

Q.6 – Quels sont les conseils que vous donneriez à un étudiant diplômé affrontant ses premières expériences professionnelles ?

De prendre l’avis de ceux qui sont déjà passé par là ! Je crois beaucoup à la collaboration. Nous apprenons tous les jours en échangeant avec nos confrères ou nos partenaires.

 

Q.7 – Enfin, quel est votre meilleur souvenir au sein de la formation ?

 

J’ai un souvenir très vif de plusieurs interventions de professionnels passionnés et passionnants, des CPI, des avocats et des juristes, qui savaient nous montrer comment le droit que nous apprenions était appliqué dans la « vraie » vie et à quoi il servait.

Le Master 2 m’a permis de rencontrer plusieurs bonnes amies et nous avons toutes des parcours différents. Interviewez-les !

Enfin, Lyon est une ville magnifique très agréable pour un étudiant. J’aurais dû profiter davantage des « petits bouchons ».

Je tiens à saluer le travail de Mme Anne-Emmanuelle Kahn et Mme Marie-Christine Piatti pour leur accompagnement lors de cette formation. Je les remercie vivement.

 

Propos recueillis par Kamilla Boussouf, étudiante au sein du M2 Droit de la Propriété Intellectuelle, Lyon II

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