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Jeunes entrepreneurs et propriété intellectuelle; une histoire d’amour (presque) ratée.

Florian Legendre, Lillois de 27 ans, est fondateur du groupe Effiscience.

Jeune entrepreneur, il a décidé de se lancer dans cette aventure en 2019. Lui même en situation de handicap, il a aujourd’hui fait de sa singularité sa force.

Je me souviens de ma rencontre avec Florian il y a quelques mois. Il me regarde du haut de son fauteuil et me demande si « ça roule », j’ai adoré son humour. Sa force à lui, c’est de rire de tout et de donner une vision décomplexée du handicap. Je suis très admirative de son parcours et de sa philosophie. Alors Florian avant de commencer, je tiens personnellement à te remercier pour ta détermination et ton courage, pour ta générosité aussi. Tu es une personne inspirante, tu rends vivant. J’espère ici traduire au mieux tes projets mais aussi toutes tes difficultés rencontrées avec la propriété intellectuelle, matière encore mal connue des entrepreneurs.

Peux-tu présenter ton projet ?

En Aout 2019, j’ai débuté la création de ADNs; une marque de vêtements. Par le biais de cette dernière, je souhaite partager une vision décomplexée et positive de la notion de déficience. Handicapé de naissance, j’ai remarqué que le monde de l’industrie textile ne représentait pas pleinement les personnes « singulières ». Mon idée était d’utiliser le textile comme vecteur d’humour. J’ai ainsi travaillé avec une graphiste pour proposer des visuels avec un objectif simple; rire de tout, et surtout de nos différences.

En parallèle de cette marque de vêtements, j’ai décidé de créer Vein’Art un service de customisation pour le matériel médical (fauteuil roulant, déambulateur, lève-personne etc).

Je suis un passionné d’art et l’idée de pouvoir customiser mon véhicule du quotidien, en l’occurrence mon fauteuil, raisonnait en moi comme une évidence. Ce fauteuil fait partie de mon identité, le customiser c’est presque dire au monde « regardez, il est si beau ». Tel un tatouage, je souhaite que chacun soit fier d’exhiber son matériel médical. Y ajouter un coté artistique, c’est quelque part y ajouter son identité et se l’approprier pleinement… pas trop le choix, de toute façon (rires).

Le champ des possibles est infini dans ces deux secteurs d’activités, à l’instar de la création.

Il me reste encore tout à construire, c’est très challengeant. Ces deux services seront disponibles dès 2021.

Pourrais tu maintenant m’expliquer ce que représentait pour toi la propriété intellectuelle, avant de te lancer dans l’entrepreneuriat ?

Pour être tout à fait franc, je n’avais aucune idée concrète de ce qu’était la propriété intellectuelle avant de me lancer dans cette aventure. Pour moi, cela se résumait à des dépôts de brevets par les « grosses sociétés » du domaine pharmaceutique, par exemple.

J’avais également quelques aprioris il faut le dire, sur le coût de tous ces dépôts. Mon budget n’était pas illimité, je croyais à un coût exorbitant que je ne pouvais évidemment pas me permettre.

C’est lors de diverses discussions au sein d’un incubateur d’entreprises que j’ai pris conscience de l’intérêt de la propriété intellectuelle pour mes sociétés. En effet, cette dernière me permettrait de prévenir d’éventuelles contrefaçons de mon travail; j’acquiers la pleine propriété et la jouissance de mes dessins. De plus, le coût n’était pas aussi élevé : ce qui m’a peu à peu réconcilié avec la propriété intellectuelle.

Quelles difficultés as-tu rencontrées avec l’INPI ?

D’une part, il m’a fallu comprendre et non sans difficulté, les mécanismes de dépôt d’un dessin ou modèle. Pour un profane, ce n’était pas chose aisée.

Je ne comprenais pas vraiment la différence entre le dépôt « classique » de dessins et modèles et le dépôt simplifié. La différence également entre le dépôt couleur et le dépôt noir et blanc… bref, c’était un cataclysme. Je ne saisissais pas pleinement les avantages de chaque dépôt et quelle protection me serait finalement accordée.

C’est non sans mal que j’ose le dire; c’était très (trop) nébuleux. Heureusement, je n’étais pas seul dans le navire de l’entrepreneuriat. J’ai pu compter sur les précieux conseils d’un conseiller de l’INPI et les tiens aussi Laurine. [Ce fut un plaisir, Florian]

J’ai aussi commis quelques erreurs lors de la structuration de mon dossier, qui furent fort heureusement corrigées par le service des dépôts des dessins et modèles.

Quelles sont selon toi les solutions envisageables pour que la propriété intellectuelle soit moins « nébuleuse », comme tu as-pu l’affirmer ?

Je regrette de ne pas avoir trouvé de documentation claire, avec des exemples concrets de la manière dont il fallait effectuer un dépôt. Des cas concrets auxquels un jeune entrepreneur pourrait s’identifier m’auraient surement permis de saisir plus vite les tenants et les aboutissants de la matière. Par exemple ; « dans le cadre de son activité, Gauthier doit déposer une soixantaine de dessins qui figureront sur des vêtements. On lui conseille ici de se tourner plutôt vers un dépôt simplifié. »

Fournir des documents factices pourrait également être intéressant, nous aurions peut être moins l’impression d’avancer à l’aveugle.

J’ai d’ailleurs conservé tous les documents, surtout ceux erronés afin de m’y référer pour mes prochains dépôts et de ne plus commettre les mêmes erreurs.

Être entrepreneur, c’est construire son projet de A jusqu’à Z et j’ai bien conscience que la propriété intellectuelle n’est pas la priorité, c’est regrettable.

Néanmoins, je me sens rassuré après l’accomplissement de toutes ces démarches; mon travail est protégé. Je compte continuer dans cette dynamique de création et de protection, j’incite chaque entrepreneur à en faire de même !

Pour voir ses créations, c’est juste ici: https://www.facebook.com/ADNstshirt/

Laurine Siri, Université Lumière Lyon 2

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